Fou du Droit - avril 2014
Désigné comme l’homme le plus influent de la planète en 2013 par le magazine Forbes, Vladimir Poutine (en
écriture cyrillique russe ça donne Влади́мир Влади́мирович Пу́тин, en anglais ça donne ‘Putin’, au choix...), représente aux yeux du monde entier le pays dont il est pour la troisième
fois président. Ce charismatique leader politique de 62 ans a réussi à faire de ce pays très contrasté et très chargé historiquement un incontournable de la
scène diplomatique. Passant sur les détails Wikipédia de la carrière et des polémiques que suscite sa fortune, l’intérêt que peut avoir ce président issu de l’ex-KGB (vous
savez, les espions de l’URSS que James Bond tue toujours parce qu’ils ne savent pas réfléchir) porte aujourd’hui sur la politique qu’il mène en Russie. En effet, cette volonté de
redorer le blason russe est une volonté forte, une volonté qui ne souffre aucune opposition, une volonté d’un homme politique comme les produits la Russie. Récemment, cette volonté de
fer s’est révélée à la face du monde et des démocraties bien-pensantes européennes et américaines.
JO d’hiver à Sotchi
Bien que n’ayant pas tous suivis les JO au jour le jour en février dernier, ou en mars avec les Paralympiques, nous avons tout de même entendu
parler - au détour d’une conversation dérivant étourdiment sur la politique ou sur le monde extérieur plutôt que sur le dernier arrêt du Conseil d’État - d’un boycott occidental,
boycotté (le boycott) par son propre camps parfois, critiqué par les sportifs, balayé en rigolant par la Chine et regardé sévèrement par le Vladimir en question.
Décodons un peu. Pour cela quelques repères : les JO se sont ouverts le 7 février 2014 à Sotchi, une ville au sud du pays, proche de la frontière
géorgienne, dans la chaîne de montagne du Caucase. Mais Sotchi c’est aussi une ville, moyenne, au milieu d’une immense forêt au climat subtropical, où la noblesse russe pouvait
s’enfuir, recommencer une vie tranquille si elle était en disgrâce auprès du Tsar. Résultat : JO d’hiver par climat subtropical. Une région où l’on vient se baigner dans la mer
Noire pendant les vacances et où l’activité phare des jeunes est la soirée mousse de la boîte VIP. Bref, il semble logique que transformer cet Ibiza russe en site olympique d’hiver
ait coûté... cher. Un budget à plus de 50 milliards d’euros (soit près de 30 fois plus que les JO d’hiver les plus chers jusque là, ceux de Turin. On estime que près de 50% du budget
total aurait été dépensé en pots-de-vins...), des dégâts environnementaux importants, une corruption à tous les étages et des expropriations à tout va.
A cela s’ajoute une loi. Une loi qui était présente dans le programme de Poutine – bon, peut-être pas explicitement – avec lequel il s’est
fait élire. Une loi qui interdit la « propagande homosexuelle ». Il faut savoir que seuls 15 pays autorisent le mariage homosexuel, en plus de certains États des États-Unis, du
Royaume-Uni et du Mexique. Et encore 10 pays pénalisent le fait homosexuel par la peine de mort. La Russie était entre deux eaux. Sans autoriser le mariage gay, aucune loi
n’interdisait ni ne pénalisait le simple fait d’être gay. Mais l’opinion publique étant à 60% homophobe, pensez bien que la loi est passée sans trop de problèmes. C’était sans compter
sur les déclarations poutiniesques envers les gays aux JO... Selon lui, les personnes LGBT+ devaient prendre garde à se tenir « loin des enfants ».
Réactions immédiates et pêle-mêle
Les militants LGBT+ n’ont pu que réagir dans un contexte de rencontre internationale et ont appelé au boycott. A ces revendications anti-Sotchi se
sont aussi ajoutés les appels au boycott des défenseurs des Droits de l’Homme, insurgés devant les traitements infligés aux populations de la région où a dû être construit ex
nihilo un site olympique complet ; les appels de détresse des associations de minorités ethniques (comme les Circassiens) qui ont été chassées, si ce n’est exterminées, de la région
au XIXème siècle et qui réclament toujours la reconnaissance du gouvernement russe ; et enfin les écologistes du pays qui ne sont pas en reste face au désastre environnemental,
corollaire à la construction du site olympique, l’écologiste Yevgeny Vitishko a même passé quelques jours en garde à vue à cette époque.
Un groupe en particulier a été sur le devant de la scène pour défendre les droits des femmes largement bafoués par les comportements admis chez les
russes, voire légalement autorisé dans leur Droit, mais plutôt par omission. Le groupe féministe punk fondé en 2011 appelé « Pussy Riot ». Bien connues dès 2012 après une prière punk
dans la cathédrale de Moscou – interdit comme type de prière bien sûr – qui aura valu deux ans de prison (pardon, 21 mois avec la remise de peine qu’elles ont obtenu in fine) à deux
des leurs. Elles ont sorti une nouvelle chanson à l’occasion des JO, intitulée “Putin Will Teach You to Love the Motherland”, littéralement “Poutine t’apprendra
à aimer la Nation”. Tout est compris dans le titre !
Problème du boycott : c’est la Russie...
En bref, pourquoi un boycott ? Pour montrer que les revendications des différents groupes peuvent avoir un certain impact. Pour protester contre les arrestations intempestives et sans
fondements. Pour dénoncer la corruption du pouvoir et l’autoritarisme du « régime Poutine ». Mais le sport n’est pas forcément un bon moyen pour ce genre d’action, surtout pour les
conséquences que cela pourrait avoir sur les sportifs. Mais ces appels ont le droit d’exister... Le problème est que la Russie est un pays extrêmement influent dans nos sociétés
mondialisées. Non pas pour ses 15 000 émigrées féminines par an en « visas financés » (prostitution ? traite de femmes ? vente d’épouses ?) mais bien plutôt pour son pétrole et son
gaz naturel, premier exportateur pour l’Europe et deuxième pour le monde. Donc pas question de se la mettre à dos pour 10 jours de sport pendant lesquels les médias auront les yeux
rivés sur cette partie du monde hyper sensible à l’égo surdimensionné.
Les politiques n’ont donc pas pu appeler au boycott mais seulement avancer des raisons personnelles de ne pas se rendre sur place. Seule la
Vice-Présidente de la Commission européenne, la luxembourgeoise Viviane Reding se l’est permis. Et le gouvernement britannique, estomaqué devant le cas ukrainien, mais pour les
Paralympiques. L’Ukraine et la Crimée semblent cependant avoir quelque peu réveillé les États européens et la communauté internationale... affaire à suivre.
Manon ROUSSELLE